Desarzens, le festin de Babel
Lunatique dévoreuse de langues, l’écrivaine vaudoise livre un curieux et généreux butin de mots picorés autour du monde. Tentative de portrait
Thierry Raboud
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Littérature » «Maintenant je me tais et je réponds à vos questions.» Puis ça repart aussitôt en digressions papillonnantes, en sinueuses parenthèses (où surgissent Amédée VI de Savoie qui laisse tomber son sécateur, une grêle lacérant les feuilles des bananiers, la mère mormone de la copine chinoise de sa fille qui vit à Londres… parenthèses qui évidemment ne se referment jamais.
Corinne Desarzens converse comme on ruisselle. C’est une cascade qui estourbit et vivifie, alors on se laisse emporter: choses vécues, vérités cueillies, usages du monde. Jaillissement profus d’un esprit qui semble avoir tout lu, aussi vous parle en langues: glossolalie de papivore. De mémoire, la dévoreuse de pages produit les vertiges de sa bibliothèque intérieure, cite Moravia, Echenoz puis Tsvetaïeva, fait rouler les mots dans sa bouche comme un raisin mûr: «Закон звезды и формула цветка» – voici le poète qui découvre en rêvant «la formule de la fleur et la loi de l’étoile».
Succulences sonor